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Piolet club Genève, Rue Agasse 54, 1208 Genève

LE MOT DU PRESIDENT









Exceptionnel, surhumain, extraordinaire. Ces superlatifs qualifient maintenant régulièrement les exploits d’une nouvelle génération d’alpinistes qui repousse les limites établies.

82 sommets de plus de 4000m en seulement 19 jours, deux fois l’Everest en une semaine et sans oxygène, ce ne sont qu’une toute petite partie des exploits de Kilian Jornet le célèbre athlète catalan.

Andréas Steindl, guide de Zermatt , n’est pas en reste, même s’il est un peu moins médiatisé. 4h., place de l’église Zermatt – Cervin et retour, 7h45 pour 18 sommets de 4000m du Monte Rosa au Petit Cervin, 8h10 min de Brissago, point le plus bas de Suisse, au sommet de la pointe Dufour, le plus haut entièrement suisse, en vélo, course à pied et alpinisme.

Certains montagnards critiquent ce style qui encourage une course aux records et oublie la base même de l’alpinisme qui est la contemplation, l’amour de la nature et la solidarité. On peut l’entendre, mais nous ne devons pas oublier que de tous temps la recherche d’un exploit ou d’un record a existé, et que maintenant il est de plus en plus difficile à atteindre. Il est donc facile de critiquer mais je ne suis pas persuadé, qu’à l’époque, lors d’une première (faces nord, hivernales, courses extrêmes dans les alpes), la contemplation avait une grande place dans le projet.

On pourrait débattre longuement de ce nouveau style d’alpinisme, que l’on cautionne ou pas, mais ces athlètes ne sont pas suicidaires, et pour cela une préparation physique, mentale et logistique, hors du commun est nécessaire.

Il faut certainement avoir une bonne constitution à la naissance, ne pas avoir les pieds plats, une malformation quelconque ou les jambes à la Lucky Luke pour réussir ces performances, mais même en ayant cette chance, il faut surtout prévoir des années de travail et d’entraînement physique très bien encadrés, ainsi qu’une hygiène de vie qu’au Piolet on aurait de la peine à tenir.

Le mental est également primordial, et celui-ci se développe année après année de manière bien spécifique. Grâce à ce travail ils arrivent régulièrement à atteindre lors de leurs exploits, la zone, qui est pour faire simple, l’état optimal d’un athlète. Dans cet état, il est au maximum de ses capacités, les erreurs sont presque inexistantes, il se sent puissant du fait que chaque geste est maitrisé et utile. C’est un moment de liberté, de légèreté, presque magique, qui rend les gestes compliqués à réaliser beaucoup plus abordables et la douleur plus supportable et moins ressentie, le corps ne sentirait plus la fatigue ou l’épuisement,  mais tout en gardant la lucidité indispensable dans ce genre d’exploit. Il ne faut pas comparer cette zone avec un état second qui serait trop dangereux, car comme l’avait fait remarquer un trailer, nous on est parfois dans un état second, mais on court sur des sentiers alors qu’eux évoluent sur des arrêtes à 4000m d’altitude.

Une bonne équipe logistique, des informations prises régulièrement auprès de guides et une météo assez favorable sont indispensables à l’accomplissement de leurs projets.  Kilian Jornet, par exemple, s’informe sommet après sommet des conditions exactes du moment auprès de spécialistes locaux afin d’avoir une trace GPS précise, et prend même des renseignements auprès de cristalliers, quand la montagne est sèche et exposée aux chutes de pierres. Rien n’est laissé au hasard.

Même si, selon Andreas Steindl, en montagne chacun doit évoluer avec un matériel adapté à son expérience et à ses propres capacités, parcourir des glaciers et des arêtes sans encordement, en baskets et tenue légère, ne correspond pas aux normes de sécurité établies et peut être critiquable.

Que l’on soit d’accord ou pas avec cette manière de pratiquer la montagne, le risque est grand que cela donne un mauvais exemple à des alpinistes qui n’ont de loin pas la préparation et l’expérience nécessaires pour se lancer dans ce genre d’aventures.  Alors prudence !


En conclusion, on admire ou pas, on aime ou pas, mais surtout on ne doit pas essayer d’imiter.

Thierry Lentillon